L’organisation de la Justice en France

Rendue au nom du peuple français, la Justice en France se caractérise par une distinction entre deux ordres juridictionnels : l’ordre administratif et l’ordre judiciaire :

  • l’ordre judiciaire règle les litiges entre les personnes privées (individus, associations, entreprises) et les infractions à la loi pénale (1) ;
  • l’ordre administratif est compétent dès lors qu’une personne publique est en cause (ville, administration de l’Etat). Il règle les litiges entre une personne publique et une personne privée ou entre personnes publiques (2). 

Entre ces deux ordres, le Tribunal des conflits est une juridiction qui veille à ce que cette séparation soit respectée et règle les litiges concernant la compétence judiciaire ou administrative. Enfin, il existe des juridictions indépendantes et souveraines qui ne sont pas rattachées à un ordre de juridiction (3). 

1/ L’ordre judiciaire comporte deux degrés de juridiction et une Cour de cassation qui veille à l’application uniforme du droit privé sur l’ensemble du territoire. 

A/ Le premier degré de juridiction comporte trois sortes de tribunaux : 

  • les tribunaux civils : ils tranchent les litiges entre les personnes, mais n’infligent pas de peines (divorce, consommation, etc.) ; 
  • les tribunaux pénaux : ils jugent les personnes qui sont soupçonnées d’avoir commis une infraction (vol, meurtre, etc.) ; 
  • les tribunaux spécialisés. 

a) Les tribunaux civils sont : 

  • le juge de proximité : il juge les litiges inférieurs à 4 000 € (consommation, conflits de voisinnage). Il juge en premier et dernier ressort (sans appel). Il est également chargé de l’exécution des procédures d’injonction de payer et d’injonction de faire. Il statue à juge unique. C’est un juge non professionnel ; 
  • le tribunal d’instance (TI) : il juge les litiges inférieurs à 10 000 € (la plupart des petits litiges de la vie quotidienne : accidents de la circulation, travaux mal exécutés, remboursement d’un produit) et les litiges relatifs au crédit à la consommation. Il s’agit d’un tribunal statuant à juge unique ; 
  • le tribunal de grande instance (TGI) : il juge les litiges supérieurs à 10 000 €. En principe, il statue en formation collégiale, mais il peut statuer à juge unique dans certaines affaires moins importantes. 

b) Les tribunaux pénaux sont : 

  • le juge de proximité : il juge les contraventions des quatre premières classes (les infractions pénales les moins graves telles que le tapage nocturne, la chasse sans permis et les infractions au code de la route) ; 
  • le tribunal de police : il juge les contraventions de cinquième classe (contravention les plus graves qui sont passibles d’amendes de 1 500 € et de peines privatives ou restrictives de droit telles que le retrait du permis de conduire ou l’interdiction d’exercer une activité professionnel). Il siège au tribunal d’instance et statue à juge unique. L’appel est possible dans les 10 jours suivant le prononcé du jugement ; 
  • le tribunal correctionnel : il juge les délits (vol, escroquerie, abus de confiance) et peut prononcer des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, des peines alternatives comme les travaux d’intérêt général et les stages de citoyenneté) ou encore, des amendes. Il siège au tribunal de grande instance (on parle ainsi de la chambre correctionnelle du TGI) et est composé de trois magistrats, dont l’un préside le tribunal, et qui prennent leur décision en commun. L’appel est possible dans les 10 jours ; 
  • la cour d’assises : elle juge les crimes (meurtre, vol à main armée, viol) pour lesquels elle peut prononcer des peines d’amendes, d’emprisonnement ferme ou avec sursis (10 ans maximum), de réclusion criminelle à temps (au-delà de 10 ans) ou à perpétuité. C’est une juridiction non permanente qui se réunit tous les trois mois pendant une quinzaine de jours. Elle est composée de 3 juges professionnels et d’un jury de 9 citoyens tirés au sort. Depuis 2001, l’appel est possible dans les 10 jours suivant le prononcé de l’arrêt. 

N.B. : en matière de terrorisme, la cour d’assises spéciale, siégeant à Paris, est compétente. Le jury est alors remplacé par des magistrats professionnels. 
c) Les tribunaux spécialisés sont des tribunaux civils où les jugements sont rendus par les pairs : 

  • les conseils de prud’hommes : ils jugent les litiges entre salariés et employeurs portant sur le respect des contrats de travail (salaires, congés payés, licenciements individuels). Les juges sont des conseillers prud’hommaux élus par leurs pairs, deux représentants les employeurs et deux représentants les salariés. En cas de partage des voix, un magistrat du TI, le juge départiteur, tranche ; 
  • les tribunaux de commerce : ils jugent les litiges entre commerçants ou sociétés commerciales. Ils sont composés d’au moins trois juges, non professionnels, qui sont des commerçants bénévoles ; 
  • le tribunal des affaires de sécurité sociale : il tranche les litiges entre les assurés sociaux et les caisses de sécurité sociale. Le jugement est rendu par deux juges non professionnels, l’un représentant les salariés et l’autre les employeurs, sous la présidence d’un juge du TGI ; 
  • le tribunal paritaire des baux ruraux : il juge les litiges entre propriétaires et exploitants de terre ou de bâtiments agricoles. 
Recommandé:  Les grands principes budgétaires

Il existe également des juridictions spéciales (civiles et pénales) pour les mineurs

  • le juge des enfants : il prend des mesures de protection à l’égard des mineurs en danger et juge les infractions commises par les mineurs ; 
  • le tribunal pour enfant : il juge les délits commis par les mineurs, ainsi que les crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans ; 
  • la cour d’assises pour mineurs : elle juge les crimes commis par des mineurs de plus de 16 ans. 

B/ Le second degré de juridiction est composé des cours d’appel. Une cour d’appel est chargée de réexaminer l’affaire lorsqu’une ou plusieurs personnes ne sont pas satisfaites du premier jugement. Elle est compétente pour tous les tribunaux de premier degré, à l’exception des décisions des cours d’assises où l’appel relève de la compétence d’une autre cour d’assises composée, cette fois, de 3 magistrats professionnels et de 12 jurés. 
Une cour d’appel est composée uniquement de magistrats professionnels. Chaque cour est organisée en chambres spécialisées (en matière civile, sociale, commerciale et pénale) composée chacune de 3 magistrats professionnels. Toutefois, pour les affaires qui doivent être portées en audience solennelle (par exemple, sur renvoi de la Cour de Cassation), les arrêts sont rendus par 5 magistrats. 
La cour d’appel exerce son contrôle en droit et en fait sur les jugements qui lui sont soumis. Elle peut :

  • soit confirmer la décision rendue par les premiers juges ;
  • soit l’infirmer (c’est-à-dire l’annuler, la réformer) en tout ou partie. Dans cette dernière hypothèse, elle tranche à nouveau le débat au fond. 

Les arrêts rendus par les cours d’appel peuvent être frappés d’un pourvoi en cassation formé devant la Cour de cassation. 

C/ Située à Paris, la Cour de cassation est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. Elle ne statue pas sur le fond de l’affaire, mais seulement sur la forme du jugement. Elle vérifie si les lois ont été correctement appliquées par les tribunaux et les cours d’appel, ce qui permet ainsi d’homogénéiser l’application du droit sur l’ensemble du territoire français. 
Lorsque la Cour de cassation est saisie, soit par une personne qui fait l’objet d’une décision de justice, soit par le ministère public, elle a deux options à sa disposition : 

  • si elle estime que la décision attaquée n’a pas été prise conformément aux règles de droit, elle “casse” la décision et renvoie alors l’affaire devant une juridiction pour y être rejugée ; 
  • dans le cas contraire, elle rejette le “pourvoi”, ce qui équivaut à confirmer la décision contestée. 
Graph. 1. Organisation  de l’ordre judiciaire.
Source : site du ministère de la Justice.

2/ L’ordre administratif comporte également deux degrés de juridiction. Le Conseil d’Etat joue le rôle de juge de cassation afin de veiller à l’application uniforme du droit public sur l’ensemble du territoire. 

A/ Jusqu’en 1953, le contentieux administratif relevait du Conseil d’État créé par Napoléon Bonaparte en 1799 et de conseils de préfecture, transformés en conseils interdépartementaux. Une réforme en 1953 a institué les tribunaux administratifs. 
a) Les tribunaux administratifs sont les juges de droit commun du contentieux administratif. Ils ont à connaître de toutes les contestations dirigées contre les actes et décisions de l’administration, à l’exception des affaires attribuées spécialement par la loi à d’autres juridictions administratives, comme le Conseil d’Etat. 
Les tribunaux administratifs examinent les recours contre les actes de l’Etat, d’un département, d’une commune (arrêté…), les actions en responsabilité dirigées contre les services publics administratifs et les dommages causés par l’activité des services publics, les actions en matière de recouvrement des créances publiques, les contestations portant sur un contrat administratif (ex : marché de travaux publics). Ils sont également juges du contentieux des impôts directs, des élections municipales et cantonales, du contentieux de la fonction publique et de la police des étrangers. 
Chaque tribunal comprend 1 à 17 chambres et statue en principe en formation de 1 président et 2 conseillers, ou premiers conseillers. 
b) A côté des tribunaux administratifs, il existe des juridictions administratives spécialisées qui peuvent statuer en premier ressort ou en appel, notamment : 

  • les commissions d’indemnisation des rapatriés ; 
  • les commissions départementales de l’aide sociale ; 
  • les commissions départementales des handicapés ; 
  • la Commission de recours des réfugiés. 

Parmi ces juridictions spécialisées, on place également les juridictions chargées de contrôler et juger les comptes de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des groupements financés ou subventionnés : la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes, la Cour de discipline budgétaire et financière. 

B/ Les cours administratives d’appel ont été créés par une loi de 1987. Elles composent le second degré de juridiction de l’ordre administratif. Elles examinent les recours en appel dirigés contre les jugements administratifs. 
Chaque cour est présidée par un conseiller d’Etat et comprend 3 ou 4 chambres. La formation de jugement est composée, autour du président de chambre, de 4 conseillers (2 conseillers affectés à la chambre, un conseiller affecté à une autre chambre et un conseiller rapporteur). 

Recommandé:  Le représentant de l’Etat

C/ Siégeant au Palais royal à Paris, le Conseil d’Etat est la juridiction suprême de l’ordre administratif. Il remplit deux rôles importants : 

  • conseiller du gouvernement : il examine et donne un avis sur les projets de loi et sur les projets de décret les plus importants ; 
  • juge de cassation des décisions rendues par les juridictions de l’ordre administratif. 

Dans certains cas exceptionnels, le Conseil d’Etat est directement compétent en ce qui concerne : 

  • les demandes d’annulation dirigées contre un décret du Président de la République ou du Premier ministre, ou contre les actes réglementaires des ministres ; 
  • les litiges relatifs à la situation des fonctionnaires et agents civils et militaires de l’Etat, nommés par décret du Président de la République ; 
  • les recours contre les élections aux conseils régionaux et au parlement européen ; 
  • les recours contre les décisions d’autorités administratives collégiales à compétence nationale comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel. 

Il peut être juge d’appel lorsqu’il doit examiner les recours contre certains jugements des tribunaux administratifs (recours en appréciation de la légalité des actes administratifs, litiges relatifs aux élections municipales et cantonales). 
Enfin, il est juge de cassation lorsqu’il doit examiner les recours dirigés contre les décisions des cours administratives d’appel et celles des juridictions administratives statuant sans possibilité d’appel (Cour des comptes, Cour de discipline budgétaire et financière, commission de recours des réfugiés). 
Le Conseil d’Etat est présidé par son vice-président, le Premier ministre pouvant, à titre honorifique, présider son assemblée générale. Les membres du Conseil d’Etat sont des fonctionnaires ayant un statut particulier qui leur assure l’indépendance. 

Graph. 2. Organisation  de l’ordre administratif.
Source : site du ministère de la Justice.

3/ Les juridictions indépendantes et souveraines non rattachées à un ordre de juridiction sont : 

  • le Conseil constitutionnel : il est chargé d’examiner la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement ; 
  • la Cour de justice de la République : elle juge les crimes commis par les membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est composée de 15 juges : 12 parlementaires (6 pour chaque assemblée) et de 3 magistrats de la Cour de cassation ; 
  • la Haute Cour : elle juge les manquements du président de la République. Elle est composée de parlementaires des deux assemblées.