Le statut général de la fonction publique

Le statut général de la fonction publique désigne le cadre juridique du travail des fonctionnaires correspondant à leur mission particulière qui est d’assurer la mise en œuvre de l’intérêt général. D’abord limité à  la fonction publique d’Etat, ce statut s’étend depuis les années 80 à l’ensemble de la fonction publique (territoriale et hospitalière). Il correspond à la volonté de conférer à la fonction publique des règles juridiques dérogatoires et protectrices. Depuis, ce statut a connu d’importantes évolutions. En 1991, les ressortissants d’un État de l’Union européenne ont pu intégrer la fonction publique française (à l’exclusion de la participation à des missions de souveraineté). Mais surtout, on note un rapprochement de plus en plus sensible du statut des fonctionnaires de celui des salariés du privé.

1/ Le statut général de la fonction publique s’est mis en place progressivement après la fin de la deuxième guerre mondiale et définit des principes communs à l’ensemble des fonctions publiques.

A/ A travers la loi du 19 octobre 1946, les fonctionnaires obtiennent, pour la première fois, un cadre juridique correspondant à leur mission d’intérêt général. L’origine de ce statut est la création des grands corps de l’Etat à la fin de la période révolutionnaire. 
Le texte de 1946 ne s’applique qu’à la fonction publique d’État. Plusieurs grands principes s’y trouvent tels que la distinction du grade et de l’emploi, la gestion des personnels au sein d’organismes paritaires auxquels participent les fonctionnaires ou encore la reconnaissance de la liberté syndicale. 
Dans les années 80, ce statut est repris dans le statut général de la fonction publique qui s’applique aux trois fonctions publiques et qui se compose de quatre lois : 

  • loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (titre I) : elle est commune aux trois fonctions publiques ; 
  • loi du 11 janvier 1984 pour la fonction publique d’Etat (titre II) ; 
  • loi du 26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale (titre III) ; 
  • loi du 9 janvier 1986 pour la fonction publique hospitalière (titre IV). 

La fonction publique se distingue en effet en trois branches composées des effectifs suivants (chiffres de 2008) : 

  • fonction publique d’État (FPE) : 2,4 millions d’agents ; 
  • fonction publique territoriale (FPT) : 1,8 millions d’agents ; 
  • fonction publique hospitalière (FPH) : 1 million d’agents. 

B/ Malgré cette distinction en trois branches, il existe plusieurs principes communs à la fonction publique définis dans la loi du 13 juillet 1983

  • contrairement aux salariés du secteur privé, les fonctionnaires ne sont pas régis par un contrat passé avec leur employeur ; 
  • ils sont regroupés dans des “corps” (FPE/FPH) ou “cadres d’emplois” (FPT) tels que attaché d’administration, administrateur, etc. ; 
  • au sein de ces corps où le principe d’égalité prévaut, il existe des distinctions possibles en fonction du grade, qui manifeste le degré d’avancement d’un fonctionnaire dans sa carrière, et de l’emploi qui désigne le poste dans lequel le fonctionnaire est affecté. 

Des dérogations au statut général sont possibles pour certains statuts particuliers de corps ayant un caractère technique lorsque des besoins spécifiques à ces corps se font sentir. Pour ce faire, le gouvernement doit au préalable consulter le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, qui est un organe consultatif composé de représentants de l’administration et de fonctionnaires de l’État.

2/ Le statut général des fonctionnaires a connu des évolutions importantes qui confèrent aux fonctionnaires des droits proches de ceux des salariés du privé et une lecture plus souple de leurs obligations.

A/ Une lecture plus souple des obligations des fonctionnaires a été faite. 
a) Auparavant, les fonctionnaires se mettant en grève commettaient un acte illicite et se plaçaient en dehors de l’application des lois et règlements édictés pour garantir leurs droits. Ils pouvaient donc être licenciés sans que soient applicables les garanties normalement prévues en cas de mesures disciplinaires, comme celle de la communication du dossier (CE, 1909, Winkell). 
Aujourd’hui, les fonctionnaires bénéficient d’une conciliation des libertés professionnelles avec l’exigence de continuité des services publics. La Constitution de 1946 et le statut général des fonctionnaires de 1983 ont constitué un tournant en reconnaissant au plus haut niveau de la hiérarchie des normes deux droits fondamentaux : 

  • la liberté syndicale : certains agents en sont encore privés comme les militaires, mais elle reste une liberté fondamentale pour la quasi-totalité des fonctionnaires (sur le fondement du Préambule de 1946). Le statut général aménage une large place à l’exercice du droit syndical (art. 8), à la détermination des politiques en matière de fonction publique, notamment en termes de rémunération et garantit la présence de représentants des organisations syndicales au sein des : 
    • Commissions administratives paritaires (CAP) : ils interviennent dans la gestion de la situation individuelle des agents ;
    • Comités techniques paritaires (CTP) : ils doivent être consultés dans l’élaboration des règles générales applicables à chaque corps de fonctionnaire ; 
  • le droit de grève : il a été reconnu tardivement comme une liberté essentielle des agents publics car selon le Préambule de la Constitution de 1946, “le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent”. Le Conseil d’Etat a reconnu que cette liberté, même en l’absence de loi générale applicable à la fonction publique, est applicable aux agents publics (CE, 1950, Dehaene). Mais cette liberté doit toutefois s’articuler avec les obligations de service public et particulier celui du principe de continuité qui a valeur constitutionnelle (CC, 1979, Droit de grève à la radio et à la télévision). En outre, le droit de grève n’est pas reconnu aux fonctionnaires dont l’activité est essentielle à l’ordre public et à la continuité de l’Etat (CRS, police nationale, militaires). 
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b) En outre, des libertés individuelles ont été accordées aux fonctionnaires. Ils jouissent ainsi des droits fondamentaux individuels reconnus à l’ensemble des citoyens : 

  • CE, 2003, M. Boulet : pour le cas d’un militaire, reconnaissance d’une droit au respect de la vie familiale normale dans le cas de décisions de mutation ; 
  • CE, ordonn., 2005, Gollnisch : les fonctionnaires disposent également d’un ensemble de droits et libertés reconnus comme fondamentaux par le juge administratif dans le cadre de la procédure de référé-liberté, et en l’espèce, de la présomption d’innocence notamment par les autorités publiques. 

Les libertés d’opinion et d’expression ont été véritablement consacrées en 1946. Elles étaient difficilement reconnues avant :

  • depuis la loi de 1983, la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction ne peut être faite, en particulier dans l’évolution de carrière des fonctionnaires, en fonction de leurs opinions ou croyances ;
  • en revanche, la liberté d’expression, tout en étant garantie, se concilie toutefois avec l’obligation de réserve qui est fonction du grade ou du poste occupé par le fonctionnaire (plus il est haut placé, moins cette liberté est forte). Elle est garantie en dehors du service (un ministre ne peut pas exiger de façon générale qu’un agent soumette ses articles ou ouvrages à son supérieur hiérarchique si sa qualité de fonctionnaire n’y est pas mentionné : CE, 2000, Syndicat Sud Travail), mais est très fortement encadrée à l’intérieur du service (les signes religieux distinctifs sont interdits : CE, avis, 2000, Mlle Marteaux).

B/ De nouveaux droits professionnels ont également rapprochés la fonction publique des salariés du privé à travers la loi de 2007 de modernisation de la fonction publique

  • le champ des dérogations possibles au principe du non cumul de rémunérations publiques et privées (les fonctionnaires peuvent désormais détenir librement des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s’y attachent) ; 
  • un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie, largement inspirée de la loi de 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, est applicable aux fonctionnaires. L’agent a la possibilité (il dispose de l’initiative sur ce point) d’invoquer ce droit devant son administration qui prend alors en charge les frais de formation. 

C/ Enfin, des nouveaux droits sociaux sont apparus tels que le célèbre droit de retrait instauré par un décret de 1982. Ce droit permet aux agents publics de désobéir s’ils se trouvent dans une situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour leur santé physique. 
Les fonctionnaires sont également protégés contre le harcèlement sexuel (loi de 1992) et le harcèlement moral (loi de 2002).