Le principe de sincérité budgétaire est l’une des cinq règles techniques fondamentales régissant le fonctionnement du budget de l’Etat. Il se définit comme le souci éthique de garantir l’exactitude des informations dans la loi de finance et la fiabilité de l’équilibre budgétaire annoncé.
Ce principe est incorporé à la constitution financière de l’Etat par l’intermédiaire de la LOLF (il est une codification de la jurisprudence déjà dégagée par le Conseil constitutionnel). C’est au Conseil constitutionnel qu’il revient de faire respecter ce principe. Pour apprécier la qualité de la sincérité dans l’évaluation des ressources et des charges, il tient compte des aléas inhérents aux incertitudes relatives à l’évolution de l’économie, même s’il souligne que le gouvernement a le devoir de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative (LFR), s’il s’avère que les grandes lignes de l’équilibre de la loi de finances (LFI) s’écarte sensiblement des prévisions au cours de l’exercice.
Le principe de sincérité porte à la fois sur :
- les comptes de l’Etat : “les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière” (art. 27 LOLF) ;
- les lois de finances : “les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler” (art. 32 LOLF).
Il faut distinguer :
- la sincérité budgétaire (applicable depuis 2002) : elle recouvre la sincérité des lois de finances, de la loi de finances rectificative ou de la loi particulière prise selon des procédures d’urgence (1) ;
- la sincérité comptable (applicable depuis 2006) : elle recouvre la sincérité de la loi de règlement, qui est plus stricte, car à entendre à propos de l’exactitude des comptes (2).
1/ La sincérité des lois de finances concerne la sincérité dans son sens budgétaire. L’art. 32 LOLF met en évidence que :
- les lois de finances doivent présenter de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Autrement dit, les moyens pour lesquels une autorisation parlementaire est sollicitée doivent correspondre aux charges prévisibles. Ils doivent également être suffisants pour permettre à l’Etat d’honorer ses dettes et calculés en fonction des besoins de manière à ne pas laisser inemployés les crédits votés, dont dépend par ailleurs le niveau de recettes soumis au vote ;
- cette sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. L’obligation de sincérité impose au Gouvernement de transmettre au Parlement toutes les informations nouvelles susceptibles de remettre en cause les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, et ce même en cours d’examen de la loi de finances.
Le Conseil constitutionnel apprécie le principe de sincérité budgétaire par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances (CC, 2001, Loi organique relative aux lois de finances).
Concernant les prévisions économiques, la jurisprudence du CC précise (CC, 2002, Loi de finances pour 2003) :
- qu’il tient compte des aléas inhérents à l’évaluation et aux incertitudes relatives à l’évolution de l’économie pour apprécier la qualité de la sincérité dans l’évaluation des ressources et des charges ;
- qu’il appartient toutefois au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative si, au cours de l’exercice, les grandes lignes de l’équilibre de la loi de finances s’écartent sensiblement des prévisions.
Lors d’une récente décision (CC, 2009, Loi de finances pour 2010), le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence de 2002 concernant les aléas liés aux évolutions de l’économie. Appelé à se prononcer sur l’allégation de sous-dotation de certaines missions, il ajoute qu’il ne lui appartient pas d’apprécier le montant des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) votés puisqu’il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
2/ La sincérité des comptes de l’Etat doit aussi se comprendre dans le sens traditionnel donné par la doctrine comptable d’exactitude des comptes.
La loi de règlement (LR) est l’un des trois types de lois de finances avec les lois de finances initiale (LFI) et rectificative (LFR). Elle constitue un document comptable soumis à l’approbation du Parlement. Avec la LOLF, elle retrouve une relative importance car elle comprend :
- un tableau de financement montrant la manière dont l’État finance son activité au cours de l’année,
- un compte de résultat,
- le bilan de l’État,
- une évaluation des engagements de l’Etat hors bilan.
La LR s’accompagne de nombreuses annexes, notamment des rapports annuels de performance (RAP) qui précisent, les résultats atteints par programme et permettent ainsi une évaluation de l’utilisation des crédits au regard des objectifs fixés. Chaque année, elle est débattue avant les lois de finances pour créer un chaînage vertueux. La LOLF précise que “le projet de loi de règlement (…) est déposé et distribué avant le 1er juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte” (art. 46 LOLF). Le dépôt du projet de loi de règlement doit donc obligatoirement intervenir avant le vote du projet de loi de finances de l’année suivante.
À chaque fin d’année budgétaire, la loi de règlement :
- arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État ;
- ratifie les opérations réglementaires ayant affecté l’exécution du budget ;
- fixe le résultat budgétaire ;
- décrit les opérations de trésorerie ;
- peut comprendre des dispositions sur l’information et le contrôle des finances publiques, la comptabilité et la responsabilité des agents.
Dans les faits, le Conseil constitutionnel n’a jamais prononcé de déclaration de non-conformité pour non respect du principe de sincérité du budget. Depuis les années 90, il accepte cependant de répondre au grief d’insincérité des lois de finances dont il est saisi, ce qui lui permet :
- d’examiner la validité des prévisions de recettes (CC, 1993, Loi de finances rectificatives pour 1993) ;
- de contrôler les évaluations chiffrées des projets de loi de finances (CC, 1994, Loi de finances pour 1995) ;
- de vérifier que les lois de finances ne font pas l’objet d’artifices comptables et de s’assurer de la lisibilité des opérations financières de l’Etat (CC, 1997, Loi de finances pour 1998).