Les grands principes budgétaires

Les grands principes budgétaires renvoient aux règles techniques traditionnelles considérées comme nécessaires à une bonne gestion des finances publiques. Ils visent principalement à faciliter le contrôle du Parlement sur les dépenses et les recettes des institutions publiques. Ils ont donc une signification à la fois technique et politique.
Apparus au milieu du XIXe siècle, ces grands principes s’inscrivent dans l’histoire de la démocratie parlementaire et ont donc connu quelques infléchissements liés à la modernisation du droit budgétaire à l’époque contemporaine. Appliqués strictement, ils rendraient l’action budgétaire trop rigide et peu adaptée aux exigences d’une gestion efficace des deniers publics. Ils connaissent donc une série de dérogations qui conduisent à les fragiliser, mais qui ne les empêchent nullement de continuer à influencer la manière dont fonctionne le budget de l’Etat.
Ces grands principes sont au nombre de cinq : 

  • l’annualité : l’autorisation parlementaire ne vaut que pour une année ;
  • l’unité : un compte unique pour l’ensemble des recettes et des dépenses ;
  • l’universalité : non-affectation et non-compensation des recettes et des dépenses ;
  • la spécialité : spécialisation par mission et programme des crédits ;
  • la sincérité : l’exactitude des informations contenues dans la loi de finance. 

1/ L’annualité met l’accent sur le fait que le vote parlementaire n’autorise le gouvernement à percevoir les impôts que pour une période d’un an. Elle est énoncée à l’art. 1er LOLF : “les lois de finances, déterminent pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat”, en précisant que “l’exercice s’étend sur une année civile et à l’art. 6 LOLF : “le budget décrit, pour une année, l’ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l’Etat”. Elle comporte plusieurs dérogations, notamment celle permettant au gouvernement, par le biais des lois de finances rectificatives (LFR), de modifier la loi de finances initiale (LFI).

2/ L’unité désigne l’obligation pour l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat de figurer dans un compte unique (le budget général). Elle est énoncée à l’art. 6 LOLF : “l’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général. Elle comporte deux dérogations qui sont les budgets annexes, ainsi que les comptes spéciaux du Trésor. Les comptes spéciaux étant des comptes ouverts hors budgets, ils permettaient de dissimuler certaines opérations au Parlement. Ce phénomène s’appelle la débudgétisation et désigne le report par l’Etat du financement de certaines actions sur d’autres personnes morales. Leur multiplication dans les années 20 a conduit l’Ordonnance de 1959 à réintégrer ces comptes spéciaux dans la loi de finance, dispositifs que la LOLF a repris à son compte.

3/ Le principe d’universalité ressemble à la notion d’unité, mais s’en distingue car, alors que la règle d’unité vise à rassembler dépenses et recettes dans un document unique, l’universalité désigne le rassemblement en une seule masse de l’ensemble des recettes publiques sur laquelle doit s’imputer l’ensemble des dépenses publiques. On le trouve énoncé à l’art. 6 LOLF : “il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses”. Il implique donc deux exigences :

  • la non-compensation : recettes et dépenses doivent être inscrites au budget pour leur montant intégral ;
  • la non-affectation : les recettes sont toutes confondues dans un compte unique au Trésor, aucune recette ne peut donc être affectée à une dépense particulière.

Ce principe connaît également de nombreuses dérogations dont celle des budgets annexes qui permet d’affecter des recettes procurées à un service de l’Etat par la commercialisation de biens et services à la couverture de dépenses spécifiques à ce service.

4/ Le principe de spécialité renvoie à la spécialisation par programme et par mission des crédits votés en loi de finances. Il est énoncé à l’art 7.I LOLF : “les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l’Etat sont regroupés par mission relevant d’un ou plusieurs services d’un ou plusieurs ministères” et à l’art. 7.II LOLF : “les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation”. La LOLF est fondée sur le principe d’une budgétisation orientée vers les résultats, à partir d’objectifs définis. Les crédits ne sont donc plus inscrits au budget de l’Etat par nature de dépenses, mais sont spécialisés par mission et par programme :

  • la mission (50 environ) : ensemble de programmes concourant à une politique publique pouvant relever d’un ou plusieurs ministères ;
  • le programme (150 environ) : ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs, des résultats attendus et des évaluations.

Des dérogations sont prévues à la spécialisation des crédits par programmes, notamment les fonds spéciaux pour les services secrets qui sont librement affectés par le Premier ministre ou encore le budget des assemblées parlementaires.

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5/ Enfin, le principe de sincérité a pour enjeu de garantir l’exactitude des informations dans la loi de finance et la fiabilité de l’équilibre budgétaire annoncé. Il est consacré par l’art. 27 LOLF : “les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière”, ainsi que l’art. 32 LOLF : “les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler”. Le Conseil constitutionnel, auquel il revient de faire respecter ce principe, tient néanmoins compte des aléas inhérents aux incertitudes relatives à l’évolution de l’économie pour apprécier la qualité de la sincérité dans l’évaluation des ressources et des charges, même s’il souligne que le gouvernement a le devoir de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative s’il s’avère que les grandes lignes de l’équilibre de la loi de finances s’écartent sensiblement des prévisions au cours de l’exercice (CC, 2002, Loi de finances pour 2003).