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La croissance économique dépend de l’utilisation des facteurs de production. Ces facteurs de production sont le capital, le travail et la productivité globale des facteurs. Le facteur travail renvoie à la quantité de travail utilisé, il est donc lié à la population active, ainsi qu’à la durée du travail, mais aussi à la qualité du travail, au savoir-faire accumulé par la travailleur, ce qu’on appelle le capital humain. Le facteur capital renvoie à l’investissement, c’est-à-dire à l’augmentation du stock de capital. Enfin, la productivité globale des facteurs (PGF) renvoie à tout ce qui n’est pas expliqué par les deux facteurs de production classiques : c’est l’innovation organisationnelle (taylorisme par exemple) ou encore l’innovation technologique.
1/ Le travail et le capital sont les deux principaux facteurs de production qui vont permettre la croissance économique.
A/ Selon l’utilisation qui est faite des facteurs de production, la croissance économique peut être :
- extensive : elle repose uniquement sur une croissance du capital et du travail (par exemple : un afflux de migrants ou encore la découverte de nouvelles ressources naturelles) ;
- intensive : elle désigne une utilisation plus efficace des facteurs de production, elle repose alors sur les gains de productivité et les économies d’échelle (par exemple : l’industrialisation d’une zone géographique).
B/ La croissance économique va être stimulée par l’accroissement du recours au facteur travail.
a/ Plusieurs possibilités existent pour favoriser la croissance extensive du facteur travail.
(1) Le facteur travail peut d’abord être stimulé par une augmentation de la population active, c’est-à-dire de la population se trouvant sur le marché du travail. A court terme, une augmentation du nombre d’immigrés peut permettre d’augmenter cette population active. A plus long terme, c’est le taux de natalité qui est observé comme un élément à prendre en compte pour la dynamique future de la croissance.
Cette population active peut aussi être accrue à court terme par l’accroissement du taux d’emploi. Le taux d’emploi est le rapport entre le nombre d’individus d’une catégorie de population et le nombre de cette catégorie qui a un emploi. A titre d’exemple, la stratégie Europe 2020 de l’Union européenne vise de porter le taux d’emploi de la population des 20-64 ans à 75%. Pour cela, il faut agir sur certaines catégories de la population dont le taux d’emploi est faible, notamment celui des jeunes.
(2) Le facteur travail peut ensuite être stimulé par une augmentation de la durée du temps de travail. On constate néanmoins que la tendance de long terme va plutôt vers une diminution du temps de travail. En France, la durée annuelle du temps de travail a été divisée par deux de 1900 aux années 2000 (le nombre d’heures travaillées est passé de 3000 à 1461 heures par an entre 1896 et 2004). Ces dernières années, le passage aux 35 heures et le développement du temps partiel ont encore contribué à cette diminution.
b/ Sur le long terme, on constate que la baisse du temps de travail a contrebalancé l’augmentation de la population active. La véritable croissance du facteur travail s’est donc faite par la croissance intensive, c’est-à-dire par les gains de productivité et les économies d’échelle plus que par l’augmentation de la quantité de travail. La productivité horaire du travail a été multipliée par 16 entre 1896 et 1996. Cette croissance s’explique par une amélioration de l’organisation du travail, mais aussi par une hausse du stock de capital humain.
Le capital humain renvoie à l’ensemble des compétences qui peuvent être valorisées économiquement. Cette notion a été introduite par Théodore Schultz qui, dans “Investment in human capital” (1961), fait valoir que les connaissances et les compétences sont une forme de capital et que ce capital est le produit d’un “investissement volontaire”. Il montre alors qu’il existe un lien entre la croissance des pays occidentaux et l’investissement dans le capital humain, notamment dans l’éducation.
Quelques années plus tard, Gary Becker dans Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis (1964), reprend à Schultz le concept de “capital humain” et le définit comme un stock de ressources productives incorporées aux individus eux-mêmes, constitué d’éléments aussi divers que le niveau d’éducation, de formation et d’expérience professionnelle, l’état de santé ou la connaissance du système économique. En d’autres termes, toute forme d’activité susceptible d’affecter ce stock (poursuivre ses études, se soigner, etc.) est définie comme un investissement en capital humain.
En conséquence, du point de vue de ces économistes, l’élévation du niveau de formation constitue une source durable de croissance d’autant plus intéressante que l’augmentation du stock de capital humain est un processus cumulatif : lorsque des savoirs de base sont assimilés, il est ensuite plus aisé d’acquérir de nouvelles connaissances.
C/ L’augmentation du stock de capital, c’est-à-dire l’investissement, permet d’assurer une croissance durable. Comme le travail, le capital peut croître d’une façon extensive, ou bien d’une façon intensive.
a/ Dans le cas d’une croissance extensive, l’augmentation du capital peut se traduire par l’achat de nouvelles machines, ce qui a pour effet de moderniser le stock de capital existant ou bien par l’achat de davantage de matières premières (consommations intermédiaires).
b/ Dans le cas d’une croissance intensive, il s’agit d’une substitution du capital au travail. Des machines plus performantes permettent de remplacer le travail réalisé par l’homme se qui conduit à un accroissement de l’intensité capitalistique, c’est-à-dire du volume de capital par travailleur.
2/ Que ce soit à travers l’accroissement du facteur travail ou du facteur capital, la productivité globale des facteurs est un facteur clé de la croissance intensive.
A/ La productivité globale des facteurs (PGF) désigne le rapport entre la production et le volume total de facteurs utilisé. Autrement dit, la PGF mesure l’accroissement de richesse qui n’est pas expliqué par l’accroissement des facteurs de production. Elle intervient donc comme un troisième facteur.
L’élément le plus central dans la PGF est certainement le progrès technique. Le progrès technique peut désigner à la fois une amélioration qualitative des facteurs de production, du fait d’innovations techniques, ou bien encore de leur utilisation, du fait des innovations organisationnelles telles que le taylorisme par exemple.
B/ La théorie économique doit à Robert Solow d’avoir mesuré la contribution du progrès technique à la croissance. Dans “A Contribution to the Theory of Economic Growth” (1957), il constate l’existence d’un résidu, c’est-à-dire d’une part inexpliquée de la croissance, une fois que la croissance liée à l’augmentation des facteurs de production a été prise en compte.
Cependant, cette prise en compte du progrès technique se fait de manière exogène, elle revient à l’analyser telle une “manne tombée du ciel” selon les termes de Solow. Le progrès technique est considéré comme autonome : une partie importante de la croissance provient du progrès technique, mais on ne sait pas pourquoi.
Dans “Increasing Returns and Long Run Growth” (1986), Paul Romer met au point une théorie de la croissance qui est, cette fois, endogène. Elle a pour but d’expliquer la croissance économique à partir de processus et de décisions microéconomiques. Selon Romer, la croissance repose sur les investissements en R&D. La R&D permet des découvertes qui bénéficient à l’ensemble des agents économiques du fait des externalités positives qu’elle génère.
D’autres auteurs, dans un cadre d’analyse micro-économique vont insister sur d’autres variables endogènes du progrès technique :
- Robert Lucas (“On the mechanics of economic development“, 1988) met en avant l‘accumulation du capital humain ;
- Robert Barro (“Party politics of growth“, 1994) souligne le rôle positif des investissements publics lorsque ceux-ci restent toutefois dans des budgets équilibrés (selon Barro, l’Etat est inefficace pour agir sur la conjoncture économique au moyen du déficit public, mais son action peut dégager des externalités positives à condition qu’elles compensent l’impact négatif des prélèvements obligatoires sur l’activité économique notamment en aidant la recherche fondamentale et en adoptant une approche favorable à l’existence de monopoles dans les secteurs à forte croissance).
Cette approche néo-classique dite des modèles de croissance endogène favorise paradoxalement un retour de l’Etat, notamment dans les secteurs clefs pour la croissance. A titre d’exemple, la stratégie Europe 2020 s’est donnée comme objectif de porter le ratio de dépenses de R&D sur PIB à 3% (contre 2% environ actuellement). Elle reprend en cela l’objectif de la stratégie de Lisbonne (pour 2010) de faire de l’Europe “l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde” (cf. Les cinq grands objectifs d’Europe 2020).
C/ Au XXe siècle, le progrès technique a joué un rôle fondamental dans la croissance économique. Dans La croissance française (1972), Carré, Dubois et Malinvaud s’appuient sur la méthodologie de Solow pour montrer que, durant la période des Trente glorieuses, la moitié de la croissance totale est due au progrès technique. La PGF va cependant diminuer à la fin de cette période.
Dans les années 80, le développement de l’informatique n’entraîne pas, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, une hausse de la PGF. C’est encore à Robert Solow que l’on doit cette observation dans “We’d better watch out” (1987). Le paradoxe de Solow s’énonce ainsi : “les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques de la productivité”. Ce paradoxe s’explique par la lenteur avec laquelle une nouvelle technologie produit des effets macro-économiques, notamment parce qu’elle induit un fort investissement en temps pour apprendre à s’en servir de manière optimale et parce qu’elle nécessite également une réorganisation en profondeur des entreprises ou des administrations.
Dans “Le paradoxe de productivité : les changements organisationnels, facteur complémentaire à l’informatisation” (2000), Philippe Askenazy revient sur ce dernier point et estime que l’apparente absence d’impact des technologies de l’information sur la productivité globale des facteurs aux Etats-Unis dissimule en réalité un double phénomène :
- de forts gains de productivité dans les entreprises ayant adopté simultanément des innovations technologiques et organisationnelles ;
- un échec de l’informatisation dans les entreprises qui n’ont pas réorganisé leur processus de production.
D/ L’importance du progrès technique et de l’innovation dans la croissance a conduit les pouvoirs publics à prendre conscience de l’effort à réaliser dans ce domaine. Le crédit d’impôt recherche en France en est un exemple : instauré en 2008, il consiste en un crédit d’impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu’à 100 000 euros et 5% au-delà de ce montant.
Mais la manifestation la plus visible de ce souci reste encore la part des dépenses en R&D par rapport au PIB. Certains Etats comme la Finlande ont ainsi clairement opté pour un modèle de croissance fondé sur l’innovation : leurs dépenses en R&D s’élèvent à près de 4% du PIB. La stratégie Europe 2020 cherche également à trouver des relais de croissance dans ce domaine, il reste que son objectif de porter à 3% les dépenses de R&D reste encore assez lointain, l’Union européenne des 27 étant plus proche des 2%. Elle reste encore loin de son principal rival économique, les Etats-Unis, qui approche les 3%.
Part des dépenses par rapport au PIB sur 2004-2010. Source : OCDE. |
Le graphique ci-dessous permet de constater les écarts entre les principaux pays développés en matière de R&D. Ils peuvent être un moyen d’expliquer le différentiel de la croissance qu’il existe entre ces différents pays, notamment entre la croissance européenne et la croissance américaine. Notons que tous les pays ci-dessous, à l’exception notable du Japon, augmentent leurs dépenses en R&D.