Le principe d’unité budgétaire

Le principe d’unité budgétaire constitue l’une des cinq règles techniques fondamentales du droit budgétaire. Il désigne l’obligation pour l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat de figurer dans un compte unique intitulé : budget général. Il faut également noter que ce principe s’applique aux budgets des autres personnes publiques (collectivités territoriales). Il est énoncé à l’art. 6 LOLF : “l’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général”
Toutefois, il existe certaines atténuations à ce principe à travers l’existence de budgets annexes et de comptes spéciaux du Trésor. Les comptes spéciaux sont des comptes ouverts hors budgets. Ils ont longtemps permis de dissimuler certaines opérations au Parlement. Leur multiplication dans les années 20 dans le but de dissimuler les déficits réels de l’Etat au Parlement a conduit l’Ordonnance de 1959 à réintégrer ces comptes spéciaux dans la loi de finance. Cette réintégration a été reprise par la LOLF.

1/ Chaque année, la loi de finances prévoit et autorise l’ensemble des recettes et des dépenses des administrations publiques. Selon le principe d’unité budgétaire, le budget général doit comporter l’ensemble des recettes et des dépenses imputé à l’Etat. Ce principe possède deux justifications :

  • politique : l’unité permet de faciliter le contrôle parlementaire. Le Parlement a en effet accès à une présentation de la totalité des ressources et des charges dans un document synthétique, ce qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble de la situation budgétaire de l’Etat. Cette situation tranche avec la IVe République où le budget de l’Etat résultait de plusieurs lois, ce qui privait les parlementaires de la possibilité d’apprécier l’économie générale du budget ;
  • technique : l’unité permet de déterminer si le budget est équilibré, c’est-à-dire de mesurer l’ampleur exacte du déficit.



2/ Malgré le principe d’unité, chaque loi de finances comporte en plus du budget général, deux autres comptes différents :

  • les budgets annexes,
  • les comptes spéciaux du Trésor.

a) Les budgets annexes retracent les opérations des “services de l’Etat non dotés de la personnalité morale” et dont l’activité consiste à produire “des biens ou des prestations de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu’elles sont effectuées à titre principal par lesdits services” (art. 18.I LOLF). Le même article prévoit que leur création ou l’affectation d’une recette à un budget annexe ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances. En outre, un budget annexe “constitue une mission” (art. 18.II LOLF), c’est-à-dire un ensemble de programmes concourant à une politique définie. La présentation des budgets annexes suit les normes du plan comptable (deux sections : l’une retraçant les recettes et les dépenses de fonctionnement ; l’autre les recettes et dépenses relatives aux opérations d’investissement et aux variations de l’endettement). 
La particularité des services dotés d’un budget annexe est leur capacité à constituer des réserves pour faire face à des charges futures, ce que ne peuvent pas faire les services ordinaires de l’Etat. Les budgets annexes sont cependant solidaires du budget général de l’Etat (un solde figurant au budget général est affecté par le résultat des budgets annexes). 
Aucun mouvement de crédits ne peut être effectué entre le budget général et le budget annexe (sauf pour les crédits pour amortissement de la dette dans le cas où les recettes seraient supérieures aux prévisions des lois de finance). Mais jusqu’en 1994, il était courant qu’une contribution financière issue du budget annexe des PTT soit versée à l’Etat.
Les budgets annexes figurent dans la loi de finances votée par le Parlement. Ils constituent un aménagement du principe d’unité par leur présentation comptable spécifique, à côté du budget général. Le principe d’unité vaut néanmoins pour chaque budget annexe (tout comme le principe d’universalité). Malgré tout, il reste possible pour le législateur de retrancher une disposition législative de la liste des dépenses dont le budget annexe doit assumer la charge, ce qui rend possible le transfert de cette dépense à un établissement public (par exemple en 1995 : le CC ne peut pas intervenir à propos du transfert au Fonds de solidarité vieillesse des majorations de pensions versées par le budget annexe des prestations sociales agricoles). Dans le Rapport sur l’exécution des lois de finances de 2002, la Cour des comptes souligne qu’aucun budget annexe ne répond pleinement à la définition donnée par la loi organique (art. 18 LOLF), il apparaît donc souhaitable de réfléchir à la mise au point d’un cadre juridique approprié.
Il existe deux budgets annexes pour un volume global de 2,2 Mds € pour 2011 :

  • les Publications officielles et information administrative (200 M €) : il est le résultat de la fusion du budget annexe des Journaux Officiels avec l’ancien compte de commerce de la Documentation française ;
  • le Contrôle et exploitations aériens (2 Mds €) : il retrace les opérations des services de l’aviation civile qui donnent lieu au paiement de redevances, de taxes et de prix (organisation et contrôle du trafic aérien, guidage des avions).
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Ce volume est en nette diminution par rapport aux années 1990 du fait de :

  • la suppression du budget annexe des PTT en 1991 (29 Mds€ en 1990) ;
  • la transformation du budget annexe des prestations sociales agricoles en établissement public (15 Mds€ en 2004).

b) En ce qui concerne maintenant les comptes spéciaux, on peut les définir comme les comptes concernant les dépenses bénéficiant d’une affectation particulière de recettes et des opérations qui présentent un caractère temporaire (sauf exceptions). Leur gestion est assurée par le ministre compétent. 
Les gouvernements successifs n’ont cessé de réduire le nombre de comptes spéciaux du Trésor (passage de 76 en 1970 à 24 en 2010). Tout comme les budgets annexes, les comptes spéciaux sont intégrés dans une loi de finances. Ils ne peuvent être ouverts que par une loi de finances (art. 19 LOLF) et leurs opérations ne peuvent être prévues, autorisées et exécutées dans les mêmes conditions que les opérations du budget général (art. 20 LOLF).
La technique du compte spécial permet :

  • de favoriser le contrôle parlementaire sur certaines opérations pouvant être réalisées au moyen de l’établissement public (comme un établissement public est placé sous le contrôle du ministère de tutelle, le Parlement ne dispose que d’un contrôle indirect sur le budget de celui-ci) ;
  • de s’adapter à une situation particulière (par exemple en 2000, la création du compte “Fonds d’approvisionnement des charges de retraite et du désendettement de l’Etat” a permis d’affecter le produit des redevances d’utilisation des fréquences allouées aux réseaux mobiles de téléphones au financement des retraites et au désendettement).

Il existe quatre catégories de comptes spéciaux (art. 19 LOLF) qui se répartissent en deux groupes (art. 20 LOLF). Ces deux groupes de compte réalisent une affectation de recettes à des dépenses, mais :

  • les comptes à crédits sont dotés d’évaluation de recettes et de crédits, ce sont :
    • les comptes d’affectation spéciale : par exemple, les pensions et les participations financières de l’Etat) ;
    • les comptes de concours financier : prêts et avances consentis par l’Etat ;
  • les comptes à découvert réalisent une compensation, l’autorisation votée par le Parlement ne portant pas sur leurs recettes et dépenses, mais sur un découvert maximum, ce sont :
    • les comptes de commerce : opérations à caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’Etat ;
    • les comptes d’opération monétaire : opérations de caractère monétaire telles que l’émission de monnaie.

En intégrant budgets annexes et comptes spéciaux au sein de la loi de finances, la LOLF permet de limiter la pratique de la débudgétisation. Cette technique constitue un artifice budgétaire destiné à dissimuler l’ampleur des déficits en faisant sortir certains budgets du budget général. Le Conseil constitutionnel s’associe à cette lutte en considérant certaines dépenses comme budgétaires par nature (CC, 1994, Loi de finances pour 1995). Il reste cependant des budgets autonomes qui sont les budgets des personnes publiques distinctes de l’Etat et dont les comptes ne sont pas intégrés dans les lois de finances. Il s’agit notamment des collectivités territoriales (qui bénéficient d’une autonomie financière garantie par l’art. 72-2 C), mais aussi des établissements publics nationaux (le Musée du Louvre) ou encore des organismes privés assurant des missions de service public (organismes de sécurité sociale dont le contrôle par le Parlement s’effectue dans le cadre des lois de financements de la sécurité sociale). Cette pratique est régulièrement dénoncée car elle permet d’échapper à la rigueur du droit budgétaire.