Les grandes dates de l’histoire du droit

Le premier code juridique écrit connu est le code d’Ur-Nammu. Il date de 2050 av. J.-C. Du nom du roi sumérien (sud de l’Irak) Ur-Nammu d’Ur, il s’appuie sur un système où les témoins déposent sous serment devant des juges professionnels, qui peuvent ordonner au coupable de verser des indemnités à la victime. Il préfigure le code de loi de Babylone du roi Hammurabi.

Le code d’Hammourabi date de 1750 av. J.-C. Sous le règne de ce roi de Babylone, un code juridique est élaboré et gravé sur une stèle de basalte que l’on trouve aujourd’hui au Louvre. Les 282 propositions qu’il regroupe se présentent sous une forme casuistique : elles énumèrent des solutions selon chaque cas classé par thèmes. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un code de lois au sens où nous l’entendons aujourd’hui, puisque l’observation de plusieurs cas semblables ne donne pas lieu à l’énoncé d’un principe général et universel, c’est-à-dire à une loi, mais plutôt d’un recueil de jurisprudences. Les décisions de justice sont toutes construites selon la même structure : une phrase au conditionnel énonce un problème de droit, puis elle est suivie d’une réponse au futur, sous forme de sanction ou de règlement : « si un individu a fait telle action, il lui arrivera telle chose ». Dans ces jurisprudences, on retrouve la loi du talion (du latin talis, « tel » ou « pareil ») qui défend une réciprocité du crime et de la peine et s’exprime ainsi : « œil pour œil, dent pour dent ».

En 1300 avant J.-C., le prophète Moïse révèle le Décalogue au peuple hébreu originaire de la basse Mésopotamie. Ces dix lois, reçus directement de Dieu par Moïse sont intégrés ensuite à la Bible. Parmi ces lois, les plus célèbres sont « tu ne commettras point d’assassinat » (Exode, 20-13) ou « tu ne convoiteras point ni la maison, ni la femme, ni le serviteur, ni la servante, ni le bœuf, ni l’âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain » (Exode, 20-17). Cet ensemble de loi est immuable et d’origine religieuse.

En 621 av. J.-C., un législateur athénien du nom de Dracon rédige en tant qu’archonte, les premières lois écrites de la cité : les thesmoi. Pour que personne ne les ignore, il les fait afficher sur des panneaux de bois et sur des stèles. L’innovation majeure de ce code une loi sur l’homicide qui distingue le meurtre, volontaire, de l’homicide, involontaire. Mais ce corpus se caractérise surtout par sa sévérité puisque le moindre vol est puni de mort. C’est de là d’ailleurs que provient l’adjectif « draconien » qui qualifie un comportement extrêmement sévère. La démocratie athénienne se constitue progressivement, par une suite de grands réformateurs politiques comme Dracon : Solon, Clisthène et Périclès, qui élargissent progressivement la participation à la vie politique, législative et juridique de la cité des citoyens dans le but d’endiguer les crises et de conserver une unité.

En 450 av. J.-C., deux collèges de décemvirs rédigent le premier corpus de lois romaines écrites : la loi des Douze Tables. Il s’agit de l’acte fondateur du droit romain, de la Constitution de la République et du mos maiorum (c’est-à-dire les « mœurs des anciens » qui désignent le système de valeurs ancestrales : la fidélité, la piété, la majesté, le courage et le respect). Ces lois constituent la base d’une grande partie du droit moderne. Elles organisent les poursuites judiciaires publiques des crimes et instituent un système permettant aux parties lésées de réclamer des dommages à leurs agresseurs. Son principe fondamental est que la loi doit être écrite afin d’éviter que la justice soit soumise l’interprétation arbitraire des juges.

En 529 ap. J.-C., l’empereur byzantin Justinien est resté dans l’histoire pour sa codification du droit romain, le Corpus juris civilis. Beaucoup de maximes juridiques toujours en usage en sont issues. Il a inspiré la conception moderne de la justice. Suite à la chute de l’empire romain d’occident (476), Justinien souhaite s’affirmer comme le successeur des fondateurs de la puissance de Rome (Enée, Romulus, César, Auguste). Cette œuvre juridique comporte quatre grands documents : un code, un digeste, des institutes et des novelles. Le code rassemble les décisions de l’Empire, appelées constitutions. Le digeste (du latin digesta : ouvrage où les matières sont examinées dans un ordre systématique) reprend et synthétise les décisions des jurisconsultes romains (consultants et penseurs du droit) afin de limiter les contradictions que l’on retrouve dans la jurisprudence. Les institutes sont un manuel d’introduction à l’étude du droit rédigé par Tribonien. Enfin les novelles désignent une série de constitutions édictées par Justinien.

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En 1140, le moine Gratien rédige un recueil de lois intitulé Concorde des discours discordants, aussi appelé Décret de Gratien. Il l’écrit à Bologne où en 1088 émerge la première université du monde occidentale, ainsi qu’une école de juristes appelée l’Ecole de Bologne. Le Décret de Gratien est une œuvre majeure du droit canonique de l’Eglise catholique. Il rassemble plus de 3800 textes : apostoliques, patristiques, décrétales pontificales (lettres du pape), décrets conciliaires, lois romaines dont le Code Justinien et des lois franques. Gratien tente de concilier et d’ordonner ces différents textes. Il fait autorité jusqu’au Code de droit canonique de 1917.

En 1215, les barons anglais excédés des exigences militaires et financières du roi et de ses échecs répétés en France à Bouvines et à La Roche-aux-Moines, arrachent au roi Jean sans Terre, après une courte guerre civile notamment marquée par la prise de Londres, la Grande Charte (ou Magna Carta). Ce texte limite l’arbitraire royal et établit en droit l’habeas corpus qui empêche, entre autres, l’emprisonnement arbitraire. Il garantit les droits féodaux, les libertés des villes contre l’arbitraire royal et institue le contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du Royaume. L’archevêque de Cantorbéry Étienne Langton défend ardemment les barons, son nom restant le premier à avoir été apposé en qualité de témoin de la Grande Charte.

En 1582, le Corpus juris canonici (Corpus de droit canonique) est promulgué par le pape Grégoire XVIII. Il s’agit d’un ensemble de textes qui constitue le droit canonique en vigueur jusqu’à 1917. Il permet aux autorités catholiques de gouverner l’Église et ses fidèles. Il s’élabore progressivement en empruntant beaucoup au droit romain (par le biais du Corpus juris civilis). Il devient rationnel grâce aux travaux de Gratien au XIIe siècle. Durant le concile de Trente, Pie IV crée une commission, les correctores romani (correcteurs romains) pour réviser le Décret de Gratien. Ce droit canon concerne les personnes qui sont les suppôts de l’Eglise catholique romaine, c’est-à-dire les clercs et religieux, ainsi que toute personne relevant des établissements religieux. À l’origine le droit canon pénal était toujours plus modéré que le droit canon laïc. L’Église en tant que mère des catholiques ne pouvait condamner qu’au pain d’amertume et à l’eau d’angoisse. L’expression « l’habit ne fait pas le moine » tire son origine de cet état de droit : pour être jugés par un tribunal religieux et ainsi échappé aux juridictions séculières, les délinquants mettent un habit religieux. Pour éviter ce genre d’abus, l’Eglise peut décider de livrer une personne au bras séculier, ce qui fut le cas de Jeanne d’Arc, condamnée par l’Eglise comme sorcière, mais brûlée par les Anglais.

En 1679, l’Habeas Corpus Act (en anglais writ of habeas corpus) vient renforcer la Grande Charte de façon à apporter des garanties réelles et efficaces contre la détention arbitraire. Le mandat d’habeas corpus énonce une liberté fondamentale : celle de ne pas être emprisonné sans jugement. En vertu de cette loi, toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Ensuite, elle doit être libérée sous caution, puis amenée dans les trois jours qui suivent devant un juge. Cette loi est devenue un des piliers des libertés publiques anglaises et reste aujourd’hui présente dans la plupart des pays qui appliquent la common law. Aux États-Unis, elle a même acquise une valeur constitutionnelle, ne pouvant être suspendue qu’en temps de guerre. La signification de l’Habeas corpus ad subjiciendum est un ordre qui s’adresse au geôlier : « produis le corps devant la justice ! ».

En 1776, la Déclaration d’indépendance américaine dénie pour la première fois la théorie médiévale considérant que certaines personnes ont, de droit, le pouvoir de diriger les autres. Elle a été rédigée par Thomas Jefferson, homme des Lumières, très influencé par la pensée des philosophes John Locke et Henry Home. Elle met au centre pour la première fois les libertés individuelles et l’égalité, mais elle n’abolit pas l’esclavage. Elle signe également la rupture avec l’Angleterre, et affirme l’indépendance des Etats américains.

En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui reprend certaines idées de la Déclaration d’indépendance américaine proclame un ensemble de droits naturels individuels et collectifs. Elle comporte un préambule et 17 articles qui mêlent des dispositions concernant les droits des Hommes, qui reprennent des dispositions du Droit des gens, les droits des citoyens, qui rappellent ou renforcent les libertés publiques et les droits de la Société qui sont, à proprement parler, constituants.

En 1804, le code Napoléon est un code juridique exhaustif promulgué en France qui entérine de nombreux acquis de la Révolution française, comme la liberté individuelle, l’égalité devant la loi et la laïcité de l’Etat. La conception traditionnelle d’un code est une œuvre de compilation, organisée par matières, subdivisée en livres, chapitres et questions. Un code est le résultat d’une synthèse d’une quantité de sources, d’auteurs, d’époques. Le code civil de 1804 est le premier code moderne, au sens où il se distingue de cette tradition en occultant le passé. La seule source du droit légitime que reconnaît ce code est la loi souveraine dont l’objectif est la clarté, la concision et l’évidence, limitant ainsi le plus possible l’interprétation du juge. Malgré ses fondements révolutionnaires et laïcs, le code civil traduit un individualisme patriarcal, bourgeois et conservateur.

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En 1864, la Convention de Genève naît de la volonté d’améliorer le sort des blessés sur le champ de bataille. Signée par douze Etats européens : elle est conçue pour assurer un minimum de respect des droits de l’homme en temps de guerre, comme la protection du personnel médical militaire et le traitement humain des blessés. Son origine est étroitement liée à celle de la Croix Rouge. Toutes deux nées sont dues à l’initiative du genevois Henry Dunant, révolté par le triste sort des blessés après la bataille de Solférino, l’une des premières guerres modernes européennes (transports de troupes par voie ferrée, utilisation massive des fusils, importance des forces en présence).

Entre 1945 et 1946, vingt-quatre des principaux responsables du IIIe Reich, accusés de complot, de crime contre la paix, de crime de guerre et de crime contre l’humanité sont jugés au procès de Nuremberg sous la juridiction du Tribunal militaire international de Nuremberg, créé en exécution de l’accord signé le 8 août 1945 par les gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, de l’Union des républiques socialistes soviétiques et par le gouvernement provisoire de la République française, afin de juger les dirigeants du IIIe Reich. Ce procès démontre que même en temps de guerre, les normes morales fondamentales restent en vigueur.

Le 10 décembre 1948, les cinquante-huit Etats Membres qui constituent alors l’Assemblée générale adoptent la Déclaration universelle des droits de l’homme (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels) à Paris au Palais de Chaillot. Pour commémorer son adoption, la Journée des droits de l’homme est célébrée chaque année le 10 décembre. Elle reconnaît dans son article 1er que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».