La décentralisation

La décentralisation désigne le transfert aux collectivités territoriales de compétences détenues par l’Etat. Ce transfert permet de doter ces collectivités d’une certaine autonomie de décision et de gestion, tout en maintenant le contrôle d’un représentant de l’Etat, le Préfet, qui a pour mission de vérifier que les actes émis par les collectivités territoriales sont bien légaux. La décentralisation s’accompagne de la déconcentration qui consiste en une plus grande délégation de compétences aux agents locaux relevant de l’administration de l’Etat, et ce afin de répondre de manière précise à l’autonomisation des collectivités territoriales en favorisant le travail en commun des préfectures et des collectivités territoriales. Il faut donc distinguer d’une part, l’administration territoriale décentralisée qui comprend les services des collectivités territoriales et d’autre part, l’administration territoriale « tout court » qui rassemble les services des collectivités et les services déconcentrés de l’État.

Le cadre de la décentralisation en France se fait selon deux principes inscrits dans la Constitution : le principe de l’Etat unitaire et le principe de libre administration. Le principe de l’Etat unitaire est affirmé dans l’article 1er qui dispose que « la France est une République indivisible ». Un Etat unitaire se définit par la présence d’un seul centre de décisions et donc par l’unité du pouvoir politique (il s’oppose ainsi à l’Etat fédéral qui désigne un groupement d’Etats). Ce principe explique pourquoi seule l’organisation de la République est décentralisée et non pas la République elle-même, ce qui aurait pu conduire à une remise en cause de l’unité de la République. Le principe de libre administration est affirmé quant à lui dans l’article 72 C qui dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Ce principe de libre administration suppose donc que des compétences propres et des moyens distincts soient donnés aux collectivités. Elles jouissent ainsi d’une autonomie, mais pas d’une indépendance, puisqu’elles font l’objet d’un contrôle de légalité par la tutelle, justifié par le principe d’unité de l’Etat. Cette autonomie se situe dans la décision et la gestion de leur propre budget sous la surveillance du préfet qui représente l’autorité de tutelle. Le préfet ne détient en revanche aucune supériorité hiérarchique sur les collectivités territoriales, mais exerce un contrôle a posteriori de leurs actes.

Les collectivités territoriales sont des structures administratives, qui contrairement à l’Etat, n’agissent pas au nom de l’intérêt général, mais au nom des intérêts de la population d’un territoire précis. L’objectif de la décentralisation est de rapprocher et d’adapter l’organisation politique et administrative aux situations locales en faisant des collectivités territoriales un véritable lieu de vie démocratique. Avant la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, on parle indifféremment des collectivités locales et des collectivités territoriales, mais depuis cette date, seule l’expression collectivités territoriales est juridiquement fondée.

Trois critères permettent de définir une collectivité territoriale :

  • la personnalité morale (elle lui permet d’agir en justice, de bénéficier d’une autonomie administrative lui permettant de gérer son personnel et son budget) ;
  • les compétences propres (elle n’est pas un Etat dans l’Etat car elle n’a pas la compétence de ses compétences, cette compétence relève de l’Etat seul) ;
  • le pouvoir de décision (au sein d’un conseil de représentants élus ; depuis la révision de 2003, les collectivités disposent d’un pouvoir réglementaire pour exercer leurs compétences).

Il existe trois grandes sortes de collectivités territoriales : la commune, le département et la région.

La commune est dirigée par un maire, qui est le chef de l’administration communale. Il est le supérieur hiérarchique des agents de la commune et dispose d’un pouvoir d’organisation des services. Il est également chargé de l’exécution des décisions du conseil municipal et agit sous contrôle de ce dernier. Il exerce aussi des compétences déléguées par le conseil dans différents domaines (ex : réalisation des emprunts, action en justice) et doit alors lui rendre compte de ses actes. Il est enfin titulaire de pouvoirs propres, notamment en matière de police administrative. Le maire est donc à la fois un agent de la commune, en tant que collectivité territoriale, et un agent de l’État. En effet, dans les communes, l’État ne délègue pas à des représentants dotés de compétences générales de fonctions administratives (comme c’est le cas des préfets pour les départements et les régions). En tant qu’agent de l’État et sous l’autorité du préfet, le maire remplit diverses fonctions administratives (ex : organisation des élections). Sous l’autorité du procureur de la République dans le domaine judiciaire, il est officier d’État civil et de police judiciaire.

Le département est dirigé par le président du conseil général, qui est le seul à disposer de l’administration. Il est donc le chef des services du département, mais peut cependant disposer, en cas de besoin, des services déconcentrés de l’État. Il prépare et exécute aussi les délibérations du conseil. Enfin, il gère le domaine du département et dispose de pouvoirs de police particuliers (ex : circulation).

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La région est dirigée par le président du conseil régional. Il est assisté de la commission permanente et du bureau et donc l’administration régionale. Il dispose également en cas de besoin des services déconcentrés de l’État. Ses attributions sont en grande partie identiques à celles du président du conseil général.

La décentralisation connaît deux grandes étapes majeures que l’on a qualifiées d’acte I et d’acte II de la décentralisation.

L’acte I de la décentralisation est réalisé par la loi Defferre du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Elle constitue une réforme institutionnelle d’envergure sur trois points :

  • elle allège la tutelle administrative (le contrôle du préfet ne s’exerce plus a priori et sur l’opportunité des actes des collectivités, mais a posteriori et uniquement sur leur légalité, les actes des collectivités deviennent donc exécutoires à partir de leur publication et, pour les plus importants, après leur transmission au préfet. Celui-ci ne peut plus exiger le retrait d’un acte estimé illégal mais doit saisir le tribunal administratif, dans un délai de deux mois, qui seul peut prononcer l’annulation de l’acte. Le préfet doit avertir la collectivité de ses intentions et lui indiquer toutes les précisions sur les illégalités constatées. Ce procédé vise à favoriser le dialogue entre les collectivités et le préfet et à éviter des procédures juridictionnelles) ;
  • elle transfère le pouvoir exécutif au département et à la région (avant 1982, le préfet assurait l’exécution des mesures prises par le département et la région. Désormais, cette fonction incombe au président du conseil général pour le département, et au président du conseil régional pour la région) ;
  • elle transforme la région en collectivité territoriale (les régions sont placées sur le même plan que les communes et les départements, consacrant ainsi trois niveaux de collectivités territoriales).

L’acte II de la décentralisation se déploie en deux temps. Tout d’abord, l’inscription dans la Constitution avec la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 du fait que l’organisation de la République est décentralisée (art. 1er). Cette révision élève la région au rang constitutionnel de collectivité territoriale et reconnaît aux collectivités territoriales un droit à l’expérimentation (art. 72). Elle élargit la démocratie locale (art. 72-1 : droit accordé aux collectivités locales d’organiser des référendums décisionnels et droit de pétition pour les électeurs) et pose le principe de leur autonomie financière (art. 72-2). Ensuite la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, transfère de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, définit les principes permettant la compensation financière de ces transferts et simplifie l’organisation de l’intercommunalité.

Les prochaines réformes prévues s’appuient sur plusieurs rapports, notamment le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, remis le 5 mars 2009 ; et celui de la mission temporaire commune d’information du Sénat, présidée par Claude Belot, remis le 17 juin 2009.

En tout, six réformes sont prévues :

  • la modification de l’architecture institutionnelle locale ;
  • l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale ;
  • la concomitance des élections aux conseils régionaux et généraux ;
  • l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale ;
  • la suppression de la taxe professionnelle (prévue par le projet de loi de finances pour 2010) ;
  • le Grand Paris soutenu par le secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc.